Bordeaux Aquitaine Marine

Balguerie c. David 1835 : le Ballochan à Cuba

Le sieur David, armateur à Bordeaux, étant sur le point d'expédier le navire le Ballochan, avec destination de San-Yago de Cuba , écrivit, en 1835, aux sieurs Videau et Guignard, ses correspondants, une lettre où se trouve le passage suivant : « Le Ballochan partira le 10 octobre. Si ce navire est un des premiers à partir de chez vous pour la France, je verrais avec plaisir qu'il eût à bord, pour mon compte, trois ou quatre cents boucauts de sucre, pouvant les acheter en belle qualité de trois piastres à trois piastres un quart. » Le 12 octobre, le Ballochan quitta en effet la rade de Bordeaux, et arriva à San-Yago dans le courant de décembre. Les commissionnaires Videau et Guignard achetèrent alors, pour le compte de David , quatre cents barriques de sucre, au prix de quatre piastres les 50 kilogr., et les firent charger à bord du Ballochan. Mais, peu de jours après, ces mêmes sucres furent déchargés et revendus à des conditions avantageuses, notamment à la charge par l'acheteur deprocurer au navire deux cents tonneaux de fret sans retarder son départ. Cette opération fut annoncée au sieur David par lettre du 17 mars 1836; elle était motivée sur ce que les prix de l'ile étaient supérieurs aux prix d'Europe, et aussi sur ce que, les sieurs Videau et Guignard ayant dépassé les ordres qu'ils avaient reçus, ils avaient voulu, en préservant leur mandant d'une perte, se mettre personnellement à l'abri de la responsabilité qui pesait sur eux pour avoir excédé le mandat. Le Ballochan fut en conséquence chargé à nouveau de bois et de café, et il fut de retour en rade de Bordeaux dans les premiers jours de juin, sans contenir aucune partie de Sucre. Cependant, et dès le 22 déc. 1835, le sieur David avait fait avec la maison Balguerie un marché dont le bordereau fut ainsi conçu : « Acheté de M. Auguste David, pour compte de MM. Balguerie et compagnie, la quantité de quatre cents barriques sucre brut SanYago, ou la quantité qui se trouverait à bord du navire jusqu'à concurrence de quatre cents barriques, à livrer à l'heureuse arrivée du Ballochan, au prix de 34 fr. 50 cent. les 50 il., payables sous la déduction de trois et demi pour cent d'escompte à l'expiration des vingt-cinq jours qui suivront l'entier débarquement. » Après quoi David avait écrit une seconde lettre aux sieurs Videau et Guignard à la date du 31 décembre, et dans laquelle on lisait : « Je viens de vendre à livrer quatre cents barriques de sucre San-Yago, à l'arrivée du Ballochan, à 34 fr. 50 c. ; je livrerai d'abord celles qui sont pour mon compte ; s'il y a insuffisance , celles à ma consignation ; si, à trois piastres un quart, vous m'envoyez de belles , qualités, surtout en nuance, je pourrais y faire quelque bénéfice. » Dans cette position, les sieurs Balguerieet compagnie réclamèrent la livraison de quatre cents barriques de sucre qui leur avaient été vendues le 22 décembre, et, à défaut de livraison des marchandises, 40,000 fr. à titre de dommages-intérêts. La convention du 22 décembre, disaient-ils, est un marché à livrer qui est devenu parfait par le seul consentement des parties sur la chose et sur le prix. Dans l'espèce, iln'a été stipulé aucune condition, et le contrat a été pur et simple. Mais, sansinsister à cet égard, il est au moins certain que, si le marché a été subordonné au chargement des marchandises, cette condition a été accomplie. Peu importe que les barriques de sucre chargées à bord du Ballochan aient ensuite été déchargées; aussitôt le chargement opéré, il y a eu droit acquis pour la maison Balguerie. La condition telle qu'on prétend la faire résulter de la convention est une condition suspensive, soumise à la réalisation d'un événement incertain , et abandonnée aux chances du hasard. Ne répugne-t-il donc pas à la raison que le sieur David ait pu, par des ordres sur au marché, l'empêcher de s'exécuter On objecte que le chargement n'avait eu lieu que par excès du mandat donné par le sieur David. Mais cette circonstance n'empêche pas que la condition n'ait été accomplie. Si les commissionnaires ont excédé leur mandat, que le sieur David exerce contre eux le recours qui lui appartient. Si les marchandises chargées contrairement aux ordres du sieur David n'eussent cependant pas été déchargées, réentendrait-on que celui ci aurait pu en refuser la livraison à l'arrivée à Bordeaux, non, évidemment. L'excès de pouvoir n'est donc pas concluant. D'ailleurs, ce que les commissionnaires Videau et Guignard ont fait en dépassant leur mandat, le sieur David l'a ratifié plus tard en prenant part aux bénéfices qui sont résultés de l'opération de revente des sucres chargés. Le 1er juillet 1836, jugement du tribunal d commerce de Bordeaux qui rejette la demande,
Extrait du Journal du Palais - Jurisprudence française , 1837
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